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La vaccination animale : en comprendre les enjeux pour mieux la conseiller

Crédit photo @ Africa Studio - stock.adobe.com
La vaccination est un acte de médecine préventive qui vise à entraîner l'organisme à reconnaître pour mieux combattre les agents pathogènes responsables de maladies infectieuses graves. Maladies pour lesquelles bien souvent, aucun traitement efficace n'existe.  En 2021, l’AIEMV (Association Interprofessionnelle d’Étude du Médicament Vétérinaire) rapportait que près d’un quart des médicaments vétérinaires mis sur le marché français étaient des vaccins [1], désignant ainsi la vaccination comme un acte majeur de la santé animale.

Mais bien que la couverture vaccinale soit en constante progression au sein des populations animales, toutes les espèces ne sont pas logées à la même enseigne. Si 80 à 100% des volailles et des porcs sont aujourd'hui vaccinés, suivis de près par les chevaux et les chiens (60-70%), les petits ruminants ainsi que les chats ferment pour l'instant la marche (moins de 25%) [1].

En effet, de nombreux freins s'élèvent encore contre cette pratique médicale qui n'a pourtant plus rien à prouver sur son efficacité, que ce soit du point de vue individuel comme collectif. C'est pourquoi il est particulièrement important pour toute l'équipe d’une structure vétérinaire de comprendre les modalités de la vaccination animale aujourd'hui en France, ses bienfaits et ses possibles contraintes afin de répondre de façon éclairée et personnalisée aux interrogations des clients.

État des lieux de la vaccination animale en France  

Une vaccination répondant, selon les cas, à des objectifs différents 

Lors de la mise en place d’un protocole vaccinal, il est important d’en connaître le but. Si on peut attendre d’un vaccin qu’il protège de la maladie, certains vaccins permettent uniquement la réduction des symptômes et de la contagiosité. De la même manière, certains vaccins sont conseillés d’un point de vue strictement médical lorsque d’autres sont réalisés dans un cadre réglementaire.

Ces derniers facilitent par exemple les déplacements internationaux des animaux ou permettent d’éviter l’abattage préventif d’un troupeau en cas d’épizootie (épidémie animale).

Des vaccins traditionnels encore largement utilisés en médecine vétérinaire

Les vaccins les plus utilisés en santé animale sont les vaccins vivants atténués et les vaccins inactivés.

Les vaccins vivants atténués sont constitués du pathogène (virus, bactérie, parasite ou champignon), qui à la suite de plusieurs traitements, a perdu sa virulence. Ces vaccins sont très efficaces, induisent une immunité longue et ne nécessitent pas d’adjuvant. En revanche, ils peuvent induire plus d’effets secondaires.

Les vaccins inactivés sont de manière certaine non infectants et sont globalement plus sûrs que les vaccins vivants atténués (meilleure innocuité). En revanche, ils induisent une immunité moins efficace et doivent être adjuvés avec des substances immunostimulantes favorisant la présentation du vaccin au système immunitaire. Ils peuvent alors provoquer plus facilement des réactions locales au point d’injection.

L’innovation vaccinale au cœur des préoccupations de demain

Les recommandations actuelles en termes de vaccination visent à mettre en place des protocoles toujours aussi efficaces mais moins invasifs. Le fait d’utiliser des vaccins multivalents permet par exemple en une seule injection de protéger l’animal contre plusieurs maladies et d’ainsi réduire les effets secondaires.

Les délais entre chaque rappel ont également été allongés sur la base de tests sanguins déterminant la durée d’immunité (DDI) active propre à chaque valence. A titre d’exemple, il a été prouvé que les vaccins essentiels du chien (CHP) nécessitent chez l’adulte un rappel tous les 3 ans uniquement [2].

« Nous devrions avoir le but que chaque animal [de compagnie] reçoive les vaccins essentiels. Les vaccins non-essentiels ne devrait pas être administrés plus fréquemment que ce qui est jugé nécessaire. » [2]

Motivations à la mise en place de protocoles vaccinaux

Un acte de santé individuelle

Le but premier de la vaccination est bien sûr de protéger l’animal. Il en résulte un meilleur contrôle des maladies. Les visites chez le vétérinaire sont alors moins nombreuses entraînant un gain de temps et d’argent. Le bénéfice est également psychologique puisque l’animal est moins stressé et le propriétaire pleinement satisfait d’avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer la bonne santé de son animal [3].

Un acte de santé collective

A l’échelle de populations, vacciner un nombre important d’animaux permet parfois d’éradiquer des maladies. L’agent pathogène ne pouvant plus proliférer dans un espace donné, finit par disparaître. C’est la notion d’immunité de troupeau, valable aussi bien chez les animaux de rente que chez les animaux de compagnie.

En France, plusieurs vaccins sont encore réalisés en routine alors que les maladies correspondantes ne sont plus présentes sur le territoire. On peut notamment citer la maladie de Carré ou la rage. En arrêter la vaccination peut faire craindre une résurgence de ces affections qui circulent encore activement dans d’autres régions du monde.

Un acte de santé publique

Entre 2019 et 2020, 467 vétérinaires praticiens ont déclaré lors d’une enquête de l’ANSES-AMV avoir augmenté leur recours aux vaccins de 17 à 78% (selon les filières). En parallèle, les vétérinaires ont diminué leur prescription d’antibiotiques de 13 à 63% [1]. En effet, la vaccination animale, en limitant l’apparition de maladies, permet la réduction de l’emploi des médicaments en règle générale et des antibiotiques en particulier. Certaines filières comme les élevages de porcs ou de volailles deviennent alors plus qualitatives. Enfin, le risque de résistances aux antibiotiques, en médecine vétérinaire comme humaine, s’en trouve diminué.

L’autre impact de la vaccination animale sur la santé publique est la réduction du risque de zoonoses. Ces maladies transmissibles de l’animal à l’homme sont très dangereuses et peuvent, comme nous l’avons d’ailleurs malheureusement expérimenté récemment avec la Covid 19, être à l’origine de pandémie.

Freins à la vaccination animale

Des effets secondaires redoutés

Même s’ils sont souvent modérés et passagers, les vaccins peuvent engendrés des effets secondaires tels que : fatigue, nodule ou douleur au point d’injection. Il faut savoir qu’un système de pharmacovigilance très efficace est en place en médecine vétérinaire et permet de répertorier tous ces effets secondaires afin d’améliorer constamment l’innocuité des vaccins [1]. 

Les connaître permet également de mettre en place des mesures pour les limiter. Ainsi, il est recommandé de vermifuger les animaux en amont d’une consultation vaccinale et de les tenir au repos les quelques jours suivants l’injection. Il est important de ne pas se laisser envahir par les idées reçues liées à la vaccination et d’évaluer objectivement la balance bénéfices-risques au cas par cas.

Un investissement économique et organisationnel

Pour des raisons différentes selon les filières, le coût et temps consacré à la mise en place d’un protocole vaccinal peuvent être perçus comme une charge plus qu’un investissement. La filière ovine, par exemple, peut y voir un frein à la rentabilité. La médecine des petits animaux n’est pas non plus épargnée avec la crise économique qui fait revoir à la baisse le budget pour la médecine préventive.

Ainsi, la visite annuelle plus qu’une consultation purement vaccinale doit surtout être un bilan de santé durant lequel sera évoqué, avec les autres piliers de la médecine préventive, les besoins de l’animal en termes de vaccination. Les vaccins essentiels et utiles selon le mode de vie seront les seuls à être proposés au client.

Des interrogations éthiques

Enfin, reste parmi les freins à la vaccination animale, celui lié à l’éthique. Dans le cadre de vaccinations obligatoires en élevage, l’intégrité de l’État est parfois remise en cause. Vu davantage comme un fournisseur de produits pharmaceutiques que comme une autorité de santé objective, certains éleveurs voit dans certaines campagnes de vaccination une logique de profit. Dans un des pays les plus « antivax » au monde, certains regrettent l’absence de « liberté vaccinale » [4]. Et puis, quelle est l’origine des vaccins ? Sont-ils vraiment efficaces ? Sont-ils sûrs ? Bien avant le vaccin contre la Covid19, les vaccins à ARN ont été développés en médecine animale, soulevant les mêmes interrogations sur cette nouvelle technologie pour laquelle par essence, on manque encore de recul.  


Que ce soit dans la prise de décision, la mise en place d’un protocole adapté (en fonction des besoins et du mode de vie), et la pérennité dans le temps de l’immunité vaccinale, l’équipe vétérinaire joue un rôle prépondérant. Être à l’écoute est essentiel et permet, dans le cadre d’une relation de confiance, d’obtenir la pleine adhésion du client.

 

 

Anne-Sophie Richard,
Vétérinaire

 

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Ressources documentaires et bibliographiques

[1] B. Ridremont. Les vaccins aujourd’hui chez l’animal : bases technologiques, pratiques et sociologiques. Bulletin de l’académie vétérinaire de France, 2023, [En ligne]. Disponible sur : https://academie-veterinaire-defrance.org/fileadmin/user_upload/Publication/Bulletin-AVF/BAVF_2023/Ridremont_vaccins__veterinaires_partie1_bavf_2023.pdf  [Consulté le : 10 septembre 2023] ;

[2] M. J. Day, M. C. Horzinek, R. D. Schultz, R. A. Squires. Directives de vaccination des chiens et des chats. World Small Animal Veterinary Association, 2016, [En ligne]. Disponible sur : https://wsava.org/wp-content/uploads/2020/01/WSAVA-Directives-de-Vaccination1.pdf [Consulté le : 10 septembre 2023] ;

[3] A. Deleu. Les freins et motivations à la vaccination en élevage bovin : résultats d’études qualitative et quantitative. Bulletin de l’académie vétérinaire de France, 2015, [En ligne]. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/bavf_0001-4192_2015_num_168_2_1740 [Consulté le : 10 septembre 2023] ;

[4] S. Thépot. Elevage et vaccination : des attentes et des questions. Sésame, 2023, [En ligne]. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-sesame-2023-1-page-50.htm [Consulté le : 10 septembre 2023].

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