La communication ressemble parfois plus à un combat où l’une des deux parties doit sortir gagnante au détriment de l’autre. Une méthode, simple et structurée, développée dans les années 80 par M.B. Rosenberg*, Docteur en psychologie clinique, consiste en l’utilisation d’un mode de communication qui permet de faciliter les relations humaines et de les enrichir avec empathie** : il s’agit de la « Communication non violente » (CNV). Voyons quels en sont les principes et les applications.
Même si nous avons l’impression que notre façon de parler n’a rien de violent, il arrive souvent que nos paroles heurtent les autres. La communication non violente nous invite à reconsidérer notre façon de nous exprimer et d’écouter les autres. Son objectif est de transformer nos propos, souvent routiniers et automatiques, en réponses réfléchies, fruits d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs. L’idée est ainsi de parvenir à s’exprimer clairement, sincèrement, en portant sur l’autre un regard à la fois respectueux de son point de vue et empathique. Dans un échange sur un mode de communication non violente, nous sommes à l’écoute à la fois de nos besoins les plus profonds et de ceux de l’autre.
Nos mauvaises habitudes de communication
Notre environnement social et notre éducation nous ont donné de mauvaises habitudes qui peuvent génèrer une communication dite aliénante, une communication qui nous « coupe de la vie » et de « la relation à l’autre ».
De nombreuses tournures de phrases utilisent alors des éléments générateurs de conflits. Ces manières de nous exprimer nous empêchent d’établir des rapports bienveillants et authentiques avec les autres. On peut en distinguer six catégories :
1. L’expression de jugements moralisants : « Les propriétaires qui ne vaccinent pas leurs animaux ne prennent pas assez soin d’eux. » ;
2. La catégorisation : « C’est un chasseur, donc il ne possède un chien que parce qu’il lui sert à débusquer ou récupérer son gibier. » ;
3. La comparaison : « Je suis moins intelligent que mon collègue » (les tournures aliénantes peuvent aussi être dirigées contre soi-même) ;
4. Le conditionnement d’une action positive à la récompense, d’une action négative à sa punition : « C’est normal que son animal soit malade, il le nourrit de restes de table » ;
5. Le refus des responsabilités : « C’est parce que vous m’avez mal expliqué… ». Nous rejetons sur les autres la responsabilité de notre frustration, notre colère, nos agacements, alors que l’expresion à la première personne facilite toujours la communication (« J’ai mal compris…) ;
6. L’expression des désirs sous forme d’exigence : « Il faut que vous fassiez cela, sinon… ».
Bien sûr, ces tournures de phrases dites aliénantes sont parfois beaucoup plus insidieuses que celles des exemples choisis, mais elles ont, dans tous les cas, pour même effet de réveiller nos bons vieux schémas de résistance, de défense ou d’agressivité. En reprenant la responsabilité de nos actes, de nos pensées, et de nos émotions, on peut alors identifier ces 6 habitudes perverses et les remplacer par un discours pacifique, moins générateur de conflits.
Les quatre temps de la CNV
1. Observer la situation sans l’évaluer : il s’agit d’éviter de coller des étiquettes et de remplacer les généralisations et les jugements par des observations circonstanciées, réalistes et précises des faits. Ainsi, plutôt que de risquer de faire entendre à l’interlocuteur une critique, plus ou moins déguisée qui risque de générer une résistance à nos propos, on parvient au contraire à entrer dans le monde de l’autre (faire preuve d’empathie).
2. Identifier et exprimer les sentiments de chaque interlocuteur : ceci vise à prendre conscience du ressenti provoqué par la situation précédente et de le verbaliser en utilisant un lexique affectif non ambigu. Ce n’est pas une chose aisée, car nous parvenons beaucoup plus facilement à qualifier l'autre qu’à décrire clairement nos propres émotions. Les termes qui désignent des émotions spécifiques sont beaucoup plus efficaces que les mots vagues ou trop généraux. Par exemple : « Je me sens mal » peut aussi bien signifier que vous êtes triste ou découragé ou inquiet... Les expressions comme « bien » et « mal » ne permettent pas à l’interlocuteur de comprendre précisément ce que l’on ressent. On peut craindre d’exprimer ses sentiments dans un contexte professionnel et de montrer ainsi une certaine vulnérabilité. Pourtant, dire ce que l’on ressent peut aider l’autre à exposer ses propres sentiments et faciliter ainsi la découverte de ses besoins et ses attentes par rapport à l’animal par exemple.
3. Déterminer le besoin sous-jacent : la troisième composante de la CNV consiste à identifier l’origine des sentiments. Les paroles et les actes ne sont que la conséquence et non la cause de nos sentiments. C’est la manière dont nous choisissons de recevoir les actes et les paroles de l’autre, ainsi que nos attentes et nos propres besoins à ce moment donné qui engendrent nos sentiments. Il s’agit en fait d’accepter la responsabilité de ce que nous faisons pour générer notre propre ressenti. Plus nous sommes aptes à rattacher nos sentiments à nos besoins, sans les confondre, plus il est facile pour les autres d’y répondre avec empathie.
En fait, les jugements que nous portons sur l’autre ne sont que le reflet de nos propres besoins insatisfaits. Dès lors que les individus parviennent à exprimer leurs besoins plutôt que les torts des autres, il devient plus facile de trouver un terrain de satisfaction réciproque, une solution. Commencer ses phrases par « je », plutôt que « tu » permet d’exprimer la situation de son point de vue plutôt que d’accuser l’autre. Le « tu » tue !
Pour prendre un exemple professionnel, plutôt que de reprocher à votre employeur d’arriver en retard pour recevoir ses premiers rendez-vous, exprimer plutôt votre inquiétude quant à votre difficulté à gérer l’impatience des clients qui attendent, ou quant à la prise en charge d’une éventuelle urgence en son absence : il existe certainement une possibilité de mieux satisfaire les besoins de tout le monde, notamment par l’établissement d’une conduite à tenir dans une telle situation.
4. Exprimer une demande négociable : l’objet de la demande est de signifier dans un langage clair les actions que nous souhaiterions voir réaliser pour satisfaire le besoin. La formulation doit être positive : demander ce que nous souhaitons, plutôt que ce que nous ne souhaitons pas. Nous savons que le message émis est parfois reçu avec distorsion c’est-à-dire déformé : il est donc important de s’assurer que l’on a été compris. Le message ne doit pas tomber dans le travers cité précédemment de l’exigence, il s’agit de faire comprendre à l’interlocuteur qu’il s’agit bien d’une demande et que nous apprécierions qu’il accède à notre désir s’il y est disposé. Le but de la CNV n’est pas de changer les autres et leur comportement afin d’obtenir ce que nous souhaitons, mais d’établir des relations fondées sur la sincérité et l’empathie qui satisferont, finalement, les besoins de chacun.
La Communication non violente est donc un outil très utile pour tous ceux qui désirent communiquer avec plus d’authenticité et d’efficacité, tant avec la clientèle, qu’avec les collaborateurs ou les employeurs. Si vous avez tendance à vous laisser submerger par vos ressentis et émotions (culpabilité, colère, fermeture, rejet, jugement), cette méthode peut être particulièrement bénéfique. Il en est de même si vous êtes régulièrement confrontés dans votre clientèle à des individus potentiellement agressifs.
Cette pratique est simple dans son concept, elle demande néanmoins une forte détermination, beaucoup d’entraînement et d’application assidue avant qu’elle ne devienne spontanée, afin de pouvoir l’utiliser particulièrement dans les situations tendues, sans replonger dans ses vieux schémas de communication.
Christophe Deforet,
Vétérinaire et psychologue clinicien
* Si vous souhaitez appronfondir, l'auteur vous conseille : Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) : introduction à la communication non violente ; Marshall B. Rosenberg, éditions La découverte, 2016.
** Empathie (défintion du Larousse) : Faculté intuitive de se mattre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent.