Au commencement, il y a eu Annabelle : un soutien sans faille !
Premier poste, tout juste sortie de l’école, je reçois ma première consultation 4 jours à peine après avoir obtenu mon diplôme. Annabelle, je la connais depuis longtemps. On s’est croisée pendant notre scolarité « au village ». Elle rayonne ! Une fille du Sud comme on dit. Annabelle est auxiliaire à la clinique depuis plusieurs années déjà. Elle est formée et a acquis de l’expérience de terrain. Elle sera ma force et mon pilier pendant ces premiers mois, emprunts de doutes et de stress. Elle sait, parfois mieux que moi, ce qu’il faut faire. Elle suspecte les maladies cachées derrière les appels des clients et me rassure à chaque diagnostic que je pose. Elle me guide pour trouver les médicaments dans les placards, et me suggère même, de temps à autre, sans jamais usurper mon rôle, le pansement gastrique à ajouter à l’antiémétique de ce chien qui vomit. Elle guide sans juger, aidante et bienveillante devant cette véto, à qui il reste tant à apprendre !
Elle gère les clients aussi. Les sceptiques d’être reçus par LA vétérinaire qui sort à peine de l’école. Douce et ferme à la fois quand il faut leur faire comprendre que ce sera moi ou personne d’autre. Elle me protège presqu’inconsciemment ! Il faut reconnaître que, dès ce premier poste, ma bonne étoile était là. Une équipe du tonnerre, des auxiliaires (je n’oublie ni Aurélie, ni Lucie qui feront leurs armes en même temps que moi), et des patrons en or qui défendent chaque membre de leur équipe quitte à perdre des clients, mais quels clients !
« Les filles » (expression consacrée à l’époque pour m’adresser à mes 3 ASV simultanément. Je réalise aujourd’hui que ce n’était pas forcément adroit…), je les défends aussi ! Quand les clients misogynes estiment que les femmes sont forcément des auxiliaires et qu’ils sont légitimes à « mal leur parler ». Je passe alors à l’arrière du comptoir, ils agissent alors avec moi comme avec elles… Puis, je passe par l’arrière de la clinique et vient ouvrir la porte de la consultation : « C’est à vous ! », « Vous êtes vétérinaire ? Pardon, je ne savais pas ! », « Cela ne change rien, vous ne pouvez parler ni à mon assistante, ni à moi de cette façon ! » Les temps changent, les gens évoluent mais il faudra plusieurs années avant que ce genre de scènes ne disparaissent de mon quotidien.
Puis vient le temps de la confiance...
Au fil du temps, j’apprends et je prends confiance en moi. Le soutien précieux de mes ASV se transforment mais ne disparaît pas. Là où leurs connaissances ont été tour à tour rassurantes voire salvatrices dans ma vie de « jeune » vétérinaire, elles servent aujourd’hui à me faciliter le travail. Je n’ai plus besoin d’elles pour me conforter dans mes choix de traitements mais, à chaque instant, je peux compter sur leurs compétences : gestion du planning, des clients, des animaux hospitalisés, des commandes, de l’hygiène, du téléphone, des analyses… Elles sont partout, anticipent mes demandes et mes besoins, prennent soin des animaux et de leurs propriétaires et bien souvent, de moi ! Comment leur dire merci ? Comment leur dire que sans elles, sans eux (Laura, Florence, Aurélie, Marie, Audrey, Margot, Johanne, et tous les autres), le quotidien des cliniques et des vétérinaires serait tout autre ? On leur dit souvent à ces auxiliaires vétérinaires, qu’ils ou elles sont le premier et le dernier contact avec les clients, et qu’à ce titre, leur rôle est prépondérant, majeur dans la fidélisation de la clientèle. Mais est-ce bien là leur principal intérêt dans nos structures ? Je ne le crois pas. Si vous avez la chance, comme je l’ai eu bien souvent, de croiser la route d’un auxiliaire avec qui « ça matche », vous savez que tout cela va bien plus loin. Le binôme ASV-véto, quand il est fonctionnel, quand il travaille en parfaite harmonie (vit un moment royal) peut déplacer des montagnes. On se comprends sans se parler, on se protège mutuellement des animaux et des clients, on partage les émotions fortes : la joie d’une césarienne, la détresse d’une perte incomprise, on se chamaille parfois… Mais à chaque instant, on se soutient ! Quand mes assistantes me disent qu’elles ne m’ont pas mis de rendez-vous à 18h30 pour que je sois sûre de voir mon fils ce soir, je leur réponds que demain, je les aiderai à ranger et nettoyer le chenil. Quand je les vois exsangues après une grosse journée, je leur propose de faire la caisse. Elles, elles vont spontanément me préparer un café que je boirai entre 2 consultations d’une matinée surchargée. Cette solidarité, cet esprit d’équipe, c’est ça pour moi l’atout principal de nos auxiliaires vétérinaires !
Et la suite ?
Ce n’est un secret pour personne que notre profession traverse une phase « délicate » (doux euphémisme) : difficulté à recruter et à fidéliser des vétérinaires, mal-être au travail de ces derniers, pression sociétale omniprésente, charge administrative de plus en plus lourde, nécessité de la continuité des soins avec son lot de gardes et d’astreintes, obligation de formation continue alors même que la science évolue si vite !
Et si l’avenir était là, sous nos yeux depuis tout ce temps ? Ne serait-il pas venu, le moment d’étendre les prérogatives des auxiliaires ? Alors même que chaque jour, je vois défiler des annonces de candidats ASV surmotivés, peinant à trouver un poste, je me demande humblement (et je suis loin d’être la première !), si en leur permettant d’étendre leur champ de compétences, on ne pourrait pas du même coup diminuer cette fameuse charge de travail des praticiens submergés ? Rendre transparent, valoriser et reconnaître, ce travail de l’ombre, parfois dissimulé, qui, avouons-le, soulage bien souvent le ou la vétérinaire dans sa pratique quotidienne.
Je découvrais, il y a peu, la notion de « workaholisme », autrement dit l’addiction au travail. 37 % des vétérinaires seraient concernés. Une des conséquences : une difficulté à déléguer. Et pourtant, si accepter (et nous permettre !) de déléguer plus à nos auxiliaires (à condition d’en augmenter le nombre, pas question ici, d’augmenter la charge de travail déjà bien lourde qui pèse sur eux), nous permettait de mieux vivre notre pratique ? Ce serait finalement un juste retour des choses : donner à cette profession d’auxiliaire la place et le rôle qu’elle mérite dans notre écosystème professionnel.
« Rome ne s’est pas faite en un jour » et les mutations à venir dans les structures vétérinaires prendront elles aussi du temps. Je ne sais pas de quoi demain sera fait : ni pour les vétérinaires, ni pour les auxiliaires. Ce que je sais tout de même, c’est que sans elles, sans eux, ma vie de praticienne n’aurait pas eu la même valeur. Alors à chacun·e d’entre vous, je dis merci ! A mes yeux, vous n’êtes sûrement pas l’ombre du vétérinaire mais peut-être bien son plus bel avenir !
Manuelle Hoornaert,
Vétérinaire & Rédactrice en chef