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Les femmes et le burn-out... un combo perdant ?

Crédit photo @ Tshidzumba/peopleimages.com - stock.adobe.com
Le sujet n’est plus tabou. Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, frappe aux portes de toutes les professions. Confronté·e·s à de nombreux risques psychosociaux, nous, vétérinaires, n’y échappons pas. Et le constat ne s’arrête pas là : parmi ses victimes, les femmes caracolent en tête de liste. Eu égard à notre métier, féminisé à plus de 58,6% [1], l’inquiétude est réelle. Comment l'expliquer ? Que traduit cette réalité des inégalités hommes/femmes dans la sphère professionnelle ?  

Burn-out. Depuis quelques années, le terme est partout. La médecine s’en empare, les cas sont légion, les articles affluent. Conceptualisée en 1974 par un psychanalyste new-yorkais, ce n’est que plus récemment que cette problématique a pris place dans le débat public. Officiellement défini par la Haute Autorité de Santé comme  un état d’épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel ”, il n’en demeure pas moins difficilement évaluable en pratique. La complexité de ses origines et les multiples facteurs qui l’expliquent, rendent parfois sa distinction avec d’autres affections psychologiques complexe. Faute d’une classification sur la liste du tableau des maladies professionnelles, indemnisables à ce titre, beaucoup de cas de burn-out restent, à ce jour, non reconnus.  

Notre profession, elle, n’est pas épargnée. La dernière enquête menée à l’initiative de l’Ordre National des vétérinaires et de Vétos Entraide le confirme : les stresseurs (charge de travail, inadéquation vie privée/vie professionnelle, peur de l’erreur, tensions entre collègues...) sont nombreux et notre indice d’épuisement émotionnel - noyau central de ce syndrome - s’avère 1,5 fois plus élevé que celui de l’échantillon de référence de la population générale. De surcroît, les femmes vétérinaires y apparaissent statistiquement plus exposées que leurs homologues masculins [2]. Compte tenu de la féminisation de notre secteur, un décryptage s’impose.  

Les femmes en ligne de mire, d’une profession à une autre.   

Les femmes premières victimes du burn-out ? L’affirmation semble avoir supplanté la question. Selon Santé Publique France, la prévalence de la souffrance psychique au travail était en 2019, deux fois plus élevée chez les femmes (5,9%) que chez les hommes (2,7%) et en nette augmentation sur la période d’étude consacrée (2007-2019) [3]. Par ailleurs, le risque d’exposition augmentait avec la catégorie socio-professionnelle, atteignant son maximum chez les femmes cadres, occupant des postes à responsabilité.   

Depuis 2019, la situation est loin d’avoir évolué favorablement. Le journal le Monde y consacrait notamment un article en avril dernier, axé sur le travail de l’association L’Burn, investie pour la réinsertion sociale et professionnelle des femmes ayant subi un burn-out [4]. Car ces femmes sont nombreuses, de tous âges, de tous horizons. Anne Sophie Vivès, directrice de l’association, elle-même rescapée, constate une augmentation en flèche des demandes d’adhésion :  Nous sommes aujourd’hui deux fois plus concernées, à cause des inégalités intrafamiliales et professionnelles, de la charge mentale et de la difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle. C’est un épuisement multifactoriel, qui nécessite un accompagnement spécifique ”.  

Des causes plurielles, reflets d’inégalités durables.  

Si le burn-out est un syndrome pluri-étiologique, de quels “ malus ” les femmes écopent-elles donc ? Le rapport Women in the Workplace, publié en 2023 par le cabinet américain McKinsey et l’association LeanIn, engagée pour une meilleure inclusivité des femmes en entreprise, fournit quelques éléments de réponse. Le large panel référencé (27 000 employé·e·s au sein de 276 entreprises canadiennes et américaines) atteste de la représentativité des résultats.  

L'effet double journée  

Les faits datent de la nuit des temps. L’héritage lui, est d’autant plus difficile à déconstruire. L’inégalité de répartition de la charge domestique continue à peser lourd sur le bien-être des femmes hors du foyer. Les communications de l’Observatoire des Inégalités sont formelles  malgré une évolution (salutaire) des mentalités, les femmes continuent à prendre en charge les tâches ménagères les plus astreignantes et routinières. Auxquelles s’ajoute, pour certaines, la gestion de la vie familiale, non moins chronophage. Stress, anxiété, fatigue, reflets de cette charge mentale, en résultent... parfois précurseurs d’un burn-out.  

Fait intéressant du rapport, l’avènement du travail à distance, impulsé par la pandémie du COVID-19, a contribué selon de nombreux employé·e·s, à rééquilibrer leur vie privée et professionnelle. Les femmes interrogées rapportaient en retour moins d’épuisement au travail. Manque de chance pour les praticiennes vétérinaires, le temps du télétravail n’est pas encore arrivé (et il n’arrivera sûrement jamais). 

Un quotient émotionnel à double tranchant 

La surcharge de travail constitue un risque psycho-social majeur, variable d’une personne et d’une profession à une autre. Comment expliquer que les femmes s’y trouvent alors plus exposées ? Selon l'enquête Women in the Workplace, la réponse tient en une notion : la charge affective. Si l’empathie, l’écoute ou la bienveillance ne relèvent pas, selon toute vraisemblance, d’une question de genre, dans les faits, le constat est tout autre : les femmes investissent d’avantage d’énergie et de temps au travail du “ care ”, qu’il s’agisse de prendre soin de leurs collègues, de les mentorer ou encore d’organiser toute sorte d’évènements fédérateurs.  

 Plus les femmes avancent dans la hiérarchie, plus elles prennent d’autres femmes sous leurs ailes et s’enquièrent du bien-être de leurs collègues, ce qui représente une charge de travail supplémentaire dont les hommes s’encombrent moins note une contributrice du cabinet McKinsey. Une charge émotionnelle souvent invisible qui, si elle est appréciée en pratique, ne donne souvent lieu à aucune compensation financière... et contribue, de manière insidieuse, au syndrome d’épuisement professionnel.  

Qu'en est-il dans le milieu vétérinaire ? Sans conteste, nous sommes nombreux·ses à posséder de telles qualités émotionnelles, indissociables de notre métier de soin. Et il semblerait que certains propriétaires l'aient bien compris... ! Si notre écoute est précieuse, notre bien-être psychique l’est tout autant. Peut-être s’agirait-il, pour nous protéger, de réussir à mieux doser nos compétences, à leur juste valeur. 

Les sources de l’épuisement professionnel sont protéiformes. D'autres facteurs d’exposition sont à prendre en compte - prévalence des micro-agressions auxquelles les femmes sont sujettes, persistance des disparités salariales, de stéréotypes sexistes  aux répercussions dommageables. La liste, malheureusement, n'est pas exhaustive. Certaines femmes y trouveront un écho, d’autres probablement pas.  


Les conséquences du burn-out sont telles que nous nous devons d’analyser ces faits, issus de sources tangibles. Les comprendre pour mieux prévenir. Notre profession requiert une exigence et une implication quotidiennes, lourdes de sens. Tâchons ainsi d’alléger cette charge par notre engagement, individuel et collectif, en faveur du bien-être au travail. Sans distinction de genre.  

 

Amandine Violé,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Atlas national démographique de l’Ordre des Vétérinaires, [En ligne]. Disponible sur : https://www.veterinaire.fr/communications/actualites/atlas-demographique-2023 [Consulté le : 27 juin 2024] ; 

[2] Truchot D. “ La santé au travail des vétérinaires : une recherche nationale ”, [En ligne].  Disponible sur : www.veterinaire.fr [Consulté le : 27 juin 2024] ;

[3] Délézire P. et al. Work-related mental health disorders from the uncompensated work related diseases surveillance programme : Results of cross sectional surveys from 2013 to 2019 and trends since 2007, [En ligne]. Disponible sur :  https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/5/pdf/2024_5_3.pdf [Consulté le : 27 juin 2024] ;

[4] Publié par Brune Mauger le 4 avril 2024, [En ligne]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/04/04/premieres-victimes-du-burn-out-les-femmes-s-entraident-du-jour-au-lendemain-je-n-ai-plus-reussi-a-lire-ni-a-tenir-une-conversation-avec-mes-enfants_6225869_4497916.html [Consulté le : 27 juin 2024] ;

 

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