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Parcours de vétérinaires aidant·e·s - Épisode 1: Être du milieu médical, réel atout ou paradoxal inconvénient ?

Crédit photo @ Natee Meepian - adobe.stock.com
Ils sont 11 millions en France. 11 millions d’aidant·e·s qui s’occupent quotidiennement d’un proche malade, en fin de vie ou en situation de handicap. Parmi eux, des médecins, des infirmiers... mais aussi, des vétérinaires, qui basculent avec celui ou celle qu’ils accompagnent de l’autre côté du miroir médical : de soignant·e·s, les voici aidant·e·s, voire demi-patient·e·s, si l’on considère l’ampleur de leur engagement. C’est à travers le témoignage d’Amélie Kpadé et Maureen Dumoulin, vétérinaires en canine et NAC, que s'ouvre une trilogie d’articles consacrés à leur parcours, leur cheminement, leur combat. Pour ce premier volet, nous leur avons posé une question aussi évidente que nécessaire : en quoi le fait d’être vétérinaire a-t-il impacté leur rôle d’aidantes ?  

Quand leur vie vacille, Amélie et Maureen sont vétérinaires en exercice, épanouies tant sur le plan professionnel que personnel. Amélie est mariée, a deux enfants et vient de racheter une clinique. Son projet d’être à son compte en est à ses débuts. Maureen est en couple avec Fabien et depuis sa sortie de l’école de Lyon en 2015, elle se passionne pour les NAC et la médecine zoologique. Ils viennent d’acheter une ferme bressane, leurs projets vont bon train. 

Devenir aidantes 

Quand sont-elles devenues aidantes ? Le jour de l’Annonce, sûrement. Ou petit à petit, par la force des choses, parce qu'il le fallait, pour leur proche, naturellement. Leur histoire est bien différente et pourtant leurs expériences se croisent, s’entrechoquent. Amélie accompagne au quotidien son fils Quentin, diagnostiqué autiste il y a maintenant 6 ans. Aidante, elle l’est et le sera encore longtemps. C’est un apprentissage de tous les instants, elle qui confesse avoir la sensation de “ gravir quotidiennement l’Everest en tongs ”. Pour Maureen, le chavirement survient en 2017, quand elle apprend que Fabien est atteint d’une leucémie aiguë lymphoblastique. Elle sera à ses côtés jusqu’en 2020, lorsque l’espoir s’en est allé.  

Quand une profession médicale en rencontre une autre 

C’est donc avec un bagage médical fourni que Maureen et Amélie plongent dans le monde de l’aidance. Grâce à (ou à cause de) leurs connaissances, les voici qui basculent subitement de l’insouciance à une réalité crue, dont la dureté s’impose à elles :  Quand les premiers résultats hématologiques sont tombés, je me suis effondrée en pleurs. Même si je n’avais pas fait toute la liste du diagnostic différentiel, je savais que c’était grave  se souvient Maureen.  

Si Amélie a très rapidement fait de son métier un atout, - je dis que je suis vétérinaire et je sens que le ton change, les médecins me considèrent autrement  -, Maureen appréhendait a contrario d’être mal perçue par le corps médical :  J’avais peur que l’on me considère comme la vétérinaire qui se prend pour un médecin et qui arrive en terrain conquis . Une place qu'elle a pourtant toujours refusé d’endosser même lorsque Fabien, qui exprime alors les premiers symptômes de la maladie, lui rétorque :  après tout tu es vétérinaire, tu peux bien me faire une ordonnance pour de la cortisone ! ”  

Amélie et Maureen sont pourtant animées d’une même volonté : nouer une alliance thérapeutique forte avec l’équipe médicale qui suit leurs proches. Leur objectif : échanger pour mieux comprendre, discuter en toute clairvoyance pour les accompagner au mieux.  

Après un abandon institutionnel qu’elle déplore, Amélie se réjouit d’avoir réussi à instaurer une relation de confiance avec ceux qui travaillent maintenant avec son fils, hors des murs de l’hôpital public :  Le fait d’être vétérinaire change énormément les relations avec les soignants, je me sens plus légitime d’initier des démarches, je les questionne plus aisément . Et si Maureen dresse a posteriori le même constat, cela n’a pas toujours été aussi simple :  J’expliquais parfois à mon conjoint les traitements qu’il recevait. Je me suis permis de corriger une fois une infirmière qui s’était trompée dans ses explications. Dès le lendemain, le chef de service m’a signifié que mon comportement était inacceptable. Venant selon lui d’une profession paramédicale, je n’avais pas mon mot à dire. ” 

Un métier au service des leurs 

Malgré cette réalité à laquelle elles n’avaient pas été préparées, Amélie et Maureen partagent toutefois une certitude commune : grâce à leurs connaissances scientifiques, l’accompagnement de Quentin et Fabien n’en a été que meilleur.  J’ai pu discuter avec l’équipe soignante carte sur table des soins, des enjeux de traitement et de l’évolution de la maladie  raconte Maureen. Un relai indispensable qui lui a notamment permis de “ défendre ” son conjoint quand celui-ci ne parvenait pas à se faire entendre et de le rassurer, tout au long de sa prise en charge.  

De son côté, Amélie réalise avec le recul à quel point ses compétences ont été un atout pour appréhender la psychologie de son fils :  On développe un certain sens de l’observation avec les animaux. Je crois que j’ai détecté des choses de son langage non verbal plus précocement grâce à ça . Et de rajouter en riant :  Sa prise en charge éducative ressemble beaucoup à celle des chiens ! Il faut faire attention à ce que tu dis, créer des rituels, faire du renforcement positif immédiat... d’ailleurs sa psychologue intervient dans le DU de zoopsychiatrie à l’école vétérinaire de Lyon ! . Vétérinaire, mère, aidante : autant de rôles qu’Amélie embrasse conjointement, pour son fils.  

Les ricochets de l’aidance 

Nombreux sont ceux pour qui l’aidance s’apparente à une grande leçon, pavée de moments d’espoir mêlés de détresse, d’avancées suspendues par la crainte, d’explorations parfois nébuleuses, toujours constructives. Ce fut le cas pour Maureen, Amélie en mesure le sens, jour après jour.  

Un chamboulement dont elles ne s’attendaient toutefois par à entrevoir la portée, jusque dans leur vie professionnelle.  Cela m’a énormément apporté dans mon relationnel avec les clients  témoigne Amélie.  Mon écoute a changé. Quand les gens me disent ‘quelque chose ne va pas’ alors que tous les examens sont normaux, j’y prête plus attention. De la même manière, je savais que quelque chose n’allait pas pour Quentin. Notre travail consiste à transcrire en terme médicaux ce que les propriétaires nous rapportent .”  

Maureen dresse le même constat :  J’implique davantage les clients dans le processus de soin de leur animal. Derrière leurs questions se cache souvent la peur et le besoin de contrôler une situation qui leur échappe.  Si l’aidance n’a pas été pour elles un choix, Amélie et Maureen reconnaissent ainsi s’en être enrichies ... pour le plus grand bien de leurs patients.   

Dans le deuxième volet de cette série d'articles, nous nous intéresserons au versant financier et administratif de l’aidance. Le récit d’Amélie et Maureen se poursuit, très bientôt... 

 

Propos recueillis et mis en forme par Amandine Violé 
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