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Explaining the mansplaining

Crédit photo @ Budimir Jevtic - stock.adobe.com
Vous avez vaguement entendu parler de " mansplaining  " mais vous ne savez pas réellement ce que revêt ce mot ? Il y a pourtant fort à parier que vous y ayez été confrontée au moins une fois dans votre vie, personnelle ou professionnelle. Contraction de " man " et de " explaining ", le mansplaining consiste pour un homme à expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà, qui plus est, sur un sujet dont elle pourrait bien être experte. Un phénomène qui en dit long sur le sexisme ordinaire que subissent encore les femmes de nos jours.

" Attends, laisse-moi t’expliquer... ", " Tu devrais savoir que... " Vous bouillonnez devant la condescendance de tels propos ? Des souvenirs vous reviennent en tête ? Ces incipits de phrases tout aussi irritants qu’injustifiés, sont le reflet d’un phénomène répandu, bien que trop souvent banalisé, le mansplaining. Ou la fâcheuse tendance qu’ont certains hommes de vouloir apprendre aux femmes des choses qu’elles maîtrisent déjà, si ce n’est mieux, a minima autant. Mais que se cache-t-il derrière le mansplaining ? Que traduit-il des relations hommes-femmes en 2023 ? Et, une fois identifié, comment s’en prémunir ?

Le mansplaining, pour toutes

Le mansplaining a été développé par Rebecca Solnit, essayiste américaine féministe, dans son ouvrage référence " Men explaining things to me " ou " Ces hommes qui m’expliquent la vie", sorti en 2014. Un projet ayant germé à la suite d’une expérience personnelle consternante : un homme ayant jugé bon de lui conseiller de lire un livre… qu’elle avait elle-même écrit. Si l’image parait risible, elle est toutefois le reflet d’une réalité face à laquelle de nombreuses femmes ont eu à répondre.

Bien qu’ancien, le concept trouve à l’époque une résonance à travers la médiatisation de combats féministes tels que Me Too. Pour Rebecca Solnit il s’agissait tout d’abord de " nommer et d’identifier ce phénomène " car dit-elle, "  c’est avec des mots qu’on peut décrire un état de choses qu’on souhaite faire changer  " [1]. Immédiatement, les témoignages affluent. Twitter les accueille par centaines, tous plus incongrus les uns que les autres : " Un homme a essayé de m’expliquer un article, que j’avais moi-même écrit ", " Un jour, un homme a essayé de m’expliquer comment insérer un tampon. Et non, il n’était pas médecin ", " Un de mes clients a essayé de me montrer la différence entre un clou et une vis, dans ma propre quincaillerie ".

Si la question du sexisme envers les femmes occupe une place centrale dans les thématiques sociétales actuelles, le mansplaining n’en est ni plus ni moins une manifestation ordinaire, qui ne confine pas à l’exception. Ubiquiste, ce comportement trouve notamment ses adeptes dans le monde du travail, qui plus est au sein d’anciens bastions masculins ou de certaines professions élitistes. À l’instar du milieu vétérinaire… Car en somme, les femmes qui pensent, ne s’accapareraient-elles pas une certaine forme de pouvoir ? Voilà qui dérange.

Le mansplaining, expression d’un héritage phallocrate

Indéniablement, parole et pouvoir ont de tous temps été intriqués. Preuve en est, bien avant JC, Aristote plantait déjà les jalons de siècles de patriarcat : " Un modeste silence est l’honneur de la femme ". Parler, être entendue et considérée. Une évidence ? Loin s’en faut. " Il faut mentionner la longue histoire du silence chez ces dernières. Qui sont ceux qui détiennent la crédibilité, qui sont crus et entendus ? Les hommes. Les femmes sont celles qui ont souvent été interrompues, ignorées, balayées d’un revers de main " note Rebecca Solnit [2].

La parole d’autorité resterait-elle, encore aujourd’hui une parole masculine ? Un rapide coup d’œil sur quelques données sociologiques suffit à le confirmer. En 2019, l’INA révèle notamment que les femmes n’occupent en moyenne qu’un tiers du temps de parole à la télévision ou à la radio, confirmant leur sous-représentation. [3] Des disparités retrouvées dans nombre d’institutions publiques - politiques, cinéma, religions, littérature - malgré une évolution salutaire des mentalités.

En attendant une implication institutionnelle totale à ce sujet, certaines femmes tendent à imposer leur voix dans l’espace public, à juste titre. Mais les mansplainers rôdent et se dressent orgueilleusement : leçons de morale ou d’intellect paternalistes (" mansplaining "), interruption de parole (" manterrupting "), monopolisation du temps de parole, appropriation de sujets directement liés à la condition féminine… autant de mécanismes, qui contribuent, in fine, à décrédibiliser voire à dénigrer la parole des femmes. Et les renvoyer par là même à une certaine forme d’impuissance.

Mansplaining et profession vétérinaire

Anciennement investie par une majorité d’hommes, récemment féminisée, difficile pour la profession d'être exempte de dérives sexistes. Une problématique longtemps invisibilisée, sur laquelle nombre de docteures pourraient assurément témoigner. Voilà probablement une des raisons qui a motivé le Collectif Vétérinaire Féministe à lancer le projet participatif Paye Ta Chatte sur les réseaux sociaux. Avec pour objectif de créer un espace d’expression anonymisé pour toutes. Et les témoignages interpellent : " Hé oh, ça fait 30 ans que je bosse ici, ce n’est pas une jeune nana comme toi qui va m’apprendre mon boulot ! ", " Bon, on va l’embaucher, même si c’est une nénette, on lui filera les rendez-vous faciles ! ", " Toi, t’es une gonzesse donc pour être ASV d’accord mais faudra pas venir nous voir pour être embauchée comme véto. " De toute évidence, les " mansplainers " sont aux abois et pour eux, le chemin semble encore long… Preuve que la thématique mobilise, quatre associations ont également vu le jour dans le paysage estudiantin, désireuses de promouvoir une réflexion éclairée à ce sujet (et bien d’autres) : Alfort.e.s pour Alfort, Vetsafe à Lyon, Parlons-en à Toulouse et Socioniris à Nantes. Margot Courtois, elle, y consacre une thèse entière, au titre évocateur :  " Le sexisme en École Vétérinaire Française : historique, état des lieux et ressenti des étudiantes ". [4] 73% des répondantes y rapportent avoir été confrontées à des attitudes discriminatoires durant leur parcours scolaire.

Celles-ci évoquent : différences de considération, remarques déplacées, contenus de cours sexistes, body-shaming… dont les hommes (corps professoral ou collègues) seraient responsables à 73%. Un pourcentage qui invite toutefois à ne pas oublier que le sexisme envers les femmes peut être également perpétré par… d’autres femmes.

Contre le mansplaining

Une remarque tombe. Une blague fuse. En quelques secondes, la conversation a changé d’angle et vous restez coite. Sonnée devant la banalisation d’un propos pourtant scandaleusement arrogant. Difficile parfois d’exprimer sur le vif son désaccord. Qui plus est si le propos prend la forme d’une " blague anodine " qui ne manquera pas de faire rire à gorge déployée d'autres collègues qui vous entourent. Mais alors, comment réagir face au mansplaining ?

Lucile Quillet, journaliste spécialiste du travail des femmes et collaboratrice sur le site Welcome to the Jungle l’affirme : " Il ne faut surtout pas rester passive. Répondre permet de rétablir la justice, de ne pas autoriser une personne à nous destituer de notre expertise ". [ 5] Si la confrontation apeure, elle apparaît alors nécessaire et salutaire. Car le mansplaining n’est pas sans conséquences pour celles qui le subissent. Monique Pinçon Charlot, sociologue, l’apparente à une forme de violence symbolique, pouvant engendrer, entre autres, de la timidité sociale : " La personne habituée à être assignée à une certaine place n’osera plus explorer et remettre en question le monde social. La timidité peut conduire à l’auto-censure ". Et renforcer par là même, un syndrome bien connu chez certaines femmes, le fameux syndrome de l’imposteur.

Un écueil dont certaines étudiantes témoignent dans la thèse de Margot Courtois : " De manière générale je me sens moins légitime surtout en rurale, je laisserais plus facilement la place aux mecs dans cette pratique s’il y a un geste technique à faire, par peur de pas être à la hauteur ". Face à certaines remarques sexistes, d’autres disent user d’auto-dérision, afin de mieux s’intégrer. Certaines confessent même adopter des attitudes sexistes rebond.

Ainsi, osez vous affirmer ! Puis, comme le note Lucile Quillet : "Il ne faut pas hésiter à rappeler ses compétences et surtout, éviter la surchauffe ". Avec humour et assurance, vous aurez ainsi vite fait de soutenir votre légitimité et de renvoyer dans ses pénates votre mansplainer aguerri.


Bien que, sur le terrain des inégalités de sexe, de grandes avancées aient été constatées, le sexisme perdure. Le mansplaining en est une forme insidieuse… contre laquelle il convient de s’élever fermement. Vous avez maintenant les clés pour décrypter et décrire ce phénomène ! Et si vous souhaitez l’évoquer en société mais que la version américaine ne vous convient pas, sa déclinaison française - le " mecsplaning " - fera tout autant l’affaire. Les québécoises parlent même de " pénisplication "… de quoi ajouter une touche de causticité et d’ironie à vos propos !

 

Amandine Violé,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Rebecca Solnit : " Pour en finir avec le «mansplaining» " [En ligne]. Disponible sur : https://www.lapresse.ca/arts/livres/entrevues/201804/12/01-5160795-rebecca-solnit-pour-en-finir-avec-le-mansplaining.php [Consulté le : 18 septembre 2023].

[2] Virginie Ballet : " Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir» " [En ligne]. Disponible sur : https://www.liberation.fr/planete/2018/03/08/mansplaining-les-mots-sont-lies-au-pouvoir_1634779/ [Consulté le : 18 septembre 2023].

[3] " Les hommes parlent deux fois plus que les femmes dans les médias. Un analyse inédite de 18 ans de programmes TV et radio dévoilée par l'INA " [En ligne]. Disponible sur : https://presse.ina.fr/etude_temps_de_parole_hommes_femmes_ina/ [Consulté le : 18 septembre 2023].

[4] Thèse de Margaux Courtois :  " Le sexisme en École Vétérinaire Française : historique, état des lieux et ressenti des étudiantes ", [En ligne]. Disponible sur https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04120132 [Consulté le : 18 septembre 2023].

[5] Article de Pauline Allione  :  " Guide anti-mansplaining : que répondre aux hommes qui vous expliquent la vie ? " [En ligne]. Disponible sur : https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/mansplaining-femme-travail-defendre-solution-sexisme-ordinaire [Consulté le : 18 septembre 2023]

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