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 Vétérinaire : dans la peau de son ASV !

Crédit photo @ Lori - stock.adobe.com
Novembre 2022. Angers. Nous sommes à la JAVA (Journée ASV et Vétérinaires Automnales). On prend un café avec Clémence qui, au détour de la conversation, nous raconte que dans sa structure, les vétos se glissent régulièrement dans la peau de leur assistante. Passé l’étonnement, vient le temps des questions :  " Ah bon, comment  ? Pourquoi  ? Et alors, le bilan  ?  "   Expérience atypique s’il en est, que nous avons eu envie de creuser. Clémence ayant accepté une fois encore de se prêter au jeu de l’interview (retrouver son épisode de podcast Vet’o micro ici), elle partage avec nous son ressenti sur ce mode de fonctionnement particulier.

Nous sommes lundi. Clémence est justement aujourd’hui à son poste d’ASV. Quand nous commençons notre visio, elle me prévient que nous risquons d’être interrompues par un coup de téléphone ou un client qui viendrait chercher un traitement pour sa vache. Clémence est donc vétérinaire, associée depuis 2021 à un confrère et à une consœur, dans une structure devenue à cette occasion 100% rurale. Ce dernier point a son importance dans notre histoire car ce qui est possible dans certains types de structures n’est pas forcément transposable partout.

M.H. : Alors Clémence, pourrais-tu nous expliquer pourquoi vous avez choisi avec tes associés ce mode de fonctionnement particulier ?

C.B.  : Dès la construction du projet, il était évident qu’il fallait du temps véto pour assurer le travail et les gardes. Cependant, il fallait aussi que quelqu’un soit présent sur la structure notamment pour assurer la gestion du téléphone et de tous les autres actes de secrétariat quotidiens. Nous avons donc embauché une assistante, Marine, au profil très administratif, qui travaille avec nous quasi depuis le lancement de notre association.

Mais, tenus par la loi et le code du travail, Marine ne peut pas couvrir à elle seule les horaires d’ouverture de la structure. Il manque une journée de temps ASV. Marine travaille donc du mardi au samedi ce qui laisse vacant son poste tous les lundis. Deux options s’offraient alors à nous : embaucher une seconde ASV, ce qui impliquait de trouver quelqu’un pour un temps de travail partiel assez court, mais aussi de pouvoir financer ce 2ème emploi ; ou envisager un modèle de fonctionnement différent.

Nous avons alors imaginé qu’une fois par semaine, un des associés prenne le poste de Marine à sa charge. Cette option nous a paru intéressante. Au-delà de l’économie que cela représentait, nous pensions que ce temps de présence sur la structure était une opportunité qui nous permettrait d’assurer une partie de la charge de travail administrative des associés. Les réalités économiques des jeunes associés étant ce qu’elles sont, c’est donc ce choix, vécu tout de même plutôt comme une contrainte, que nous avons fait. Au départ, chacun des 3 associés assurait tour à tour le travail de Marine chaque lundi. Depuis peu, nous ne sommes plus que 2 sur 3 à assurer ce rôle car l’un des associés a émis le choix de ne plus y participer.

M.H. : Et, du coup, cette organisation répond à vos attentes ?

C.B. : Très vite, nous avons réalisé que Marine était globalement très occupée. Nous avons été frappés par la quantité d’informations quotidiennes qu’elle doit assimiler et par le fait qu’elle est très souvent interrompue dans son travail. Nous avions largement sous-estimé le quotidien de l’ASV présente sur la structure. Et nous avons vite compris que cette journée ne nous permettrait pas de gérer autant d’administratif qu’imaginé au départ. Que nous aurions déjà bien assez à faire en gérant le quotidien de la structure (ndlr : précisons à ce sujet, que la structure, 100% rurale, ne reçoit pas d’animaux sur place et donc la part de soins de l’ASV n’est ici pas un sujet).

M.H. : Et, au-delà de l’enjeu économique, quels sont les avantages et les inconvénients que tu vois dans ce système ?

C.B. : Le principal avantage réside probablement dans la perception que l’on a du travail de Marine. Nous mettre à sa place nous a permis de prendre conscience de la réalité de son quotidien. Et cela nous permet d’être plus indulgent avec elle. Par exemple, si une boite de chirurgie n’est pas lavée, on va d’abord se demander à quel point sa journée a été chargée et compliquée, plutôt que de penser éventuellement qu’elle a oublié.

Et au-delà de cette indulgence, cette expérience nous permet d’aborder les choses différemment avec elle du point du vue management. Par exemple, si l’on doit aborder un sujet d’organisation avec elle, on pourra légitimement exprimer notre ressenti sur le sujet. Cela permet la discussion et favorise les échanges permettant de trouver ensemble une solution.

Concernant les inconvénients, le plus évident réside dans le temps véto immobilisé. Si quand nous sommes au secrétariat nous recevons un appel pour une matrice et que tous les vétos de l’équipe sont occupés, cela peut être frustrant voire culpabilisant de ne pas pouvoir y aller !

A contrario, dans d’autres situations, le fait qu’un véto réponde directement au téléphone peut faire gagner du temps. En effet, le véto qui répond peut directement faire du  " conseil  délivrance " auprès des clients ruraux ! Alors que dans la même situation, Marine doit d’abord appeler un vétérinaire ou lui laisser un message puis il faudra rappeler le client.

Une autre problématique que soulève cette organisation réside dans la transmission des informations notamment entre le véto du lundi et Marine qui reprend la suite dès le mardi matin. Nous avons bien un cahier de gestion quotidienne et nous utilisons Slack en tant qu’outil de travail collaboratif mais malgré cela la transmission des informations n’est pas toujours simple.

M. H. : Et les clients, comment le vivent-ils ?

C. B. : Ils adorent. Ils aiment bien tomber sur nous à l’accueil. Parfois on a le temps de leur offrir un café. C’est du temps relationnel que l’on peut avoir avec nos clients.

M.H. : Vous allez donc continuer sur ce système ?

C. B. : Pour le moment oui. Durant les périodes plus chargées type périodes de vêlages ou de prophylo, on réfléchit à embaucher une personne supplémentaire. Un véto ou une seconde ASV. On a plusieurs idées en tête mais aucune ne se détache complètement. On pourrait aussi envisager de déléguer certaines tâches de terrain à des techniciens, ce qui nous libèrerait du temps véto pour les analyses de données ou les urgences.

M. H. : Une question me vient. Penses-tu qu’il serait intéressant pour les étudiants vétérinaires d’expérimenter d’une façon ou d’une autre le boulot de l’ASV, un peu comme les futurs ingénieurs peuvent effectuer un stage en usine ?

C. B. : Ça pourrait être bien de l’encourager fortement, un peu comme le fait d’avoir déjà eu un animal ou le stage sur une exploitation agricole… Cela permettrait une part de l’apprentissage du savoir vivre en entreprise vétérinaire qui peut s’avérer bien utile une fois sur le terrain.


Il est temps de laisser Clémence reprendre sa journée dans la peau de son ASV. Merci beaucoup pour cet échange aussi instructif qu’enrichissant. Repenser le modèle de fonctionnement classique des structures vétérinaires et estomper les frontières entre les rôles des ASV et ceux des vétérinaires, ne serait-ce pas là une bonne façon d’améliorer le dialogue et la compréhension réciproque ?

 

propos recueillis par Manuelle Hoornaert,
Vétérinaire & Rédactrice en chef

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