Anne-Sophie Richard, docteure vétérinaire, CES d’Hématologie et biologie clinique animales
Lorsque l’on évoque les groupes sanguins en médecine vétérinaire, la première chose qui nous vient à l’esprit est « c’est compliqué ». Et pour cause ! À l’instar de la médecine humaine, le typage des groupes sanguins des carnivores domestiques est effectivement complexe, peu accessible au quotidien et recèle encore de nombreuses inconnues. Pourtant, en maîtrisant certaines notions basiques, il est possible de raisonner simplement sur les cas pratiques du quotidien.
Difficile d’échapper à ce jeu de mots étant donné que le système des groupes sanguins félins est le système AB. Il existe en effet trois principaux groupes : A (majoritaire en France), B et AB (1 % de la population générale des chats).
Le groupe sanguin félin est défini par l’association des allèles a et b. Les chats du groupe A ont un génotype a/a ou a/b (l’allèle a étant dominant sur l’allèle b) et les chats du groupe B sont homozygotes b/b. Le groupe AB est, quant à lui, constitué de chats possédant un allèle particulier récessif à l’allèle a et/ou co-dominant à l’allèle b, ce qui permette l’expression des deux types de glycoprotéines A et B à la surface des hématies.
Chez le chien, les groupes sanguins principalement reconnus sont DEA1+ (60 à 75 % des individus) et DEA1-, définis selon la présence ou l’absence de l’antigène DEA1 à la surface des hématies.
En pratique, connaître le groupe sanguin de deux individus permet d’évaluer leur compatibilité sanguine. Cette donnée est essentielle lors de transfusion, et de manière plus anecdotique lors de la mise bas chez certaines espèces. En effet, une incompatibilité sanguine majeure entraîne une réaction hémolytique sévère pouvant mener à la mort de l’animal.
Chez le chien, les individus DEA1- ne possèdent pas d’anticorps naturels anti-DEA1+ et ne développeront donc pas de réaction transfusionnelle en cas d’injection de sang DEA1+. Une première transfusion est donc sans risque chez le chien, quelque soit les groupes sanguins mis en présence. En revanche, à la suite d’une transfusion avec du sang DEA1+, l’individu DEA1- développera des anticorps anti-DEA1+ et risquera une hémolyse lors d’une 2ème transfusion avec du sang DEA1+.
Chez le chat, seul le groupe AB ne possède pas non plus d’anticorps naturels contre les autres groupes. Les chats AB sont donc des receveurs universels.
Les chats du groupe A possèdent des anticorps de faible immunogénicité contre le groupe B, entraînant lors de transfusion, une diminution de la durée de vie des hématies de groupe B (2 jours) dans le sang de l’individu du groupe A.
A contrario, les chats du groupe B ont naturellement des anticorps de très forte immunogénicité contre les globules rouges du groupe A. La transfusion d’un chat B avec du sang A entraînera les destruction rapide et violente des hématies du donneur pouvant mener à la mort du receveur.
À l’heure actuelle, plusieurs tests rapides sont disponibles pour déterminer le groupe sanguin au chevet du patient (notamment Quick Test Blood Typing® d’Alvedia ou Rapid Vet-H® du laboratoire Rapid Vet).
Il est tout de même important de noter que d’autres groupes sanguins ont été mis en évidence chez le chien (DEA 3, DEA 4, DEA 7…) ainsi que d’autres antigènes (Dal, Kai). Il en est de même chez le chat avec l’antigène Mik pouvant être à l’origine d’une forte incompatibilité entre deux individus et ce, indépendamment du système AB.
Ainsi, même si les tests évoluent et se perfectionnent pour définir plus largement le groupe du sang des patients, c’est en réalité le crossmatch qui est le plus utile pour évaluer la compatibilité sanguine entre deux individus à un instant t. Sur la base d’une réaction d’agglutination (que l'on vous détaille dans la Ronéo : La transfusion sanguine en pratique : pour qui, quand, comment ?), le crossmatch met en évidence les allo-anticorps ainsi que les anticorps développés secondairement à une première transfusion.
Attention tout de même car un crossmatch compatible entre deux animaux ne garantie pas une absence totale de réaction transfusionnelle au même titre qu’une compatibilité initiale entre un donneur et un receveur ne présage pas d’une même compatibilité dans le futur.
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 3 septembre 2024
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