Guillaume Belbis, docteur vétérinaire, Dipl. ECBHM
Les affections oculaires chez les bovins comprennent un petit nombre d’entités pathologiques, parmi lesquelles la plus fréquemment rencontrée demeure la Kérato-conjonctivite infectieuse (ou KCIB), ou encore « œil blanc » dans le jargon des éleveurs (alors que nos confrères anglophones parlent plutôt de « pink eye »).
L'agent responsable de la maladie est une bactérie du genre Moraxella, et plus particulièrement Moraxella bovis. Cette bactérie gram négative est retrouvée de manière asymptomatique dans les larmes et les culs de sacs conjonctivaux de certains bovins. Elle peut également être retrouvée par la suite au niveau des pattes de mouches qui se contaminent et qui peuvent ainsi véhiculer la bactérie jusqu’à d’autres bovins, favorisant sa dissémination et l’aspect contagieux que cette affection peut prendre dans certains troupeaux.
La bactérie s’accumule alors dans les culs de sacs conjonctivaux et peut ensuite coloniser la cornée (directement de manière aléatoire ou à la faveur de lésions cornéennes) et produire des cytotoxines détruisant l’épithélium cornéen.
Dans les premiers temps de l’infection, les signes oculaires sont modérés (léger épiphora, blépharospasme modéré, photophobie), de sorte que l’éleveur ne les note souvent pas.
Dans un second temps, le blépharospasme devient plus important, et une ulcération cornéenne apparait, associée à une légère kératite. L’ulcère apparait alors très blanc, d'où le nom donné sur le terrain à cette affection : « œil blanc ».
Dans un troisième temps (voir photo 1), les lésions précédentes s’étendent et deviennent plus marquées encore :
extension de la kératite et de l’ulcère cornéen ;
apparition fréquente d’un œdème de la cornée ;
développement d’une conjonctivite marquée ;
apparition et développement d’un pannus inflammatoire (néo-vascularisation d’extension centrifuge) ;
douleur intense.
En absence de traitement deux évolutions sont alors possibles :
évolution vers une forme cicatricielle avec perte partielle ou totale de la vision ;
évolution vers une rupture du globe oculaire, avec cécité totale et douleur intense.
En absence de mesures de prévention effectives en France (pas de vaccin ; prévention reposant seulement sur la gestion des mouches, souvent illusoire), seul un traitement médical ou chirurgical peut être proposé en pratique.
Traitement médical
S’agissant d’une maladie infectieuse, un traitement antibiotique doit être préconisé. En raison de la forte sensibilité de la bactérie aux antibiotiques, le choix de la molécule dépend principalement de la voie d’administration retenue
Voie topique
Si cette voie est fréquemment employée sur le terrain, aucune préparation ne dispose dans son AMM de l’indication « traitement des affections oculaires ». Dans le cadre de la cascade, le praticien dispose des options suivantes :
Utilisation d’une préparation autorisée chez les vaches pour une autre voie locale (intramammaire par exemple) ;
Utilisation d’un médicament autorisé dans cette indication dans une autre espèce.
Voie sous-conjonctivale
Deux sites d’administration sont possibles: soit en sous palpébral, soit en intra-sclérale (sous la conjonctive de la sclère). L’objectif est de permettre une diffusion locale en retardant le passage de la molécule dans la circulation sanguine. La diffusion se fera dans les différentes structures de l’œil après résorption au niveau des vaisseaux de la conjonctive. Si des études attestent de son efficacité chez l’humain, aucune n’est disponible chez les bovins.
Voie générale
Seule la tulathromycine dispose de l’indication dans son AMM « Traitement de la kératoconjonctivie infectieuse bovine (KCIB) associée à Moraxella bovis sensible à la tulathromycine ». Cette molécule n’est pourtant pas utilisable chez les vaches laitières.
En complément de ce traitement, des mesures hygiéniques telles que limiter le contact avec la lumière et les poussières en rentrant l’animal dans un bâtiment fermé, doivent être recommandées.
En cas d’attente sévère (desmétocoele et rupture du globe oculaire), seule la réalisation d’une exentération sous anesthésie locale peut être envisagée (voir photo 2).
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 12 novembre 2024
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